27 Janvier 2012 : Sport et handicap

Le Sport : un vecteur d’équilibre, d’autonomie, et d’intégration sociale pour les personnes en situation de handicap ?

 

Nous n'en avons pas toujours conscience, mais la pratique du sport par les personnes en situation de handicap fait l'objet de nombreuses recherches. Notamment l'analyse de l'adaptation physiologique et de son impact. Les intervenants que nous accueillons nous permettront d'aborder ces questions dont par exemple :

  • Quels besoins spécifiques, quelles solutions pour améliorer le fonctionnement biologique et physique des individus, et améliorer ainsi leur qualité de vie ?
  • Quelles sont les parts de la nutrition et de la rééducation pour améliorer la récupération après l’effort ?
  • Peut-on concevoir une intégration complète avec les valides pour une pratique sportive commune ?
  • Quels risques et traumatologies spécifiques à la pratique du sport par les handicapés ?
  • Quels sont les protocoles d’entrainement et de nutrition adaptés au handisport ?
  • Inversement, l’entrainement excessif n’est-il pas susceptible d’entrainer des pathologies invalidantes ?
  • La connaissance de ces impacts n’ouvre-t'elle pas, ne permet elle pas d'envisager des moyens de prévention particuliers, et des perspectives de soins spécifiques pour ces sujets ?

Intervenants

Véronique Bricout: Maître de Conférences Laboratoire HP2, INSERM. Médecine du Sport, UF Recherches Cliniques Hôpital Sud,Université J Fourier, Grenoble.
Elle anime des recherches centrées sur l'évaluation des fonctions du système nerveux autonome et des régulations hormonales lors d'effort de longue durée, chez des personnes porteuses de déficiences intellectuelles (Trisomie 21, X-fragile et autisme). Qui adressent également les problématiques de la limitation à l'effort et/ou de l'apparition de fatigue précoce au cours d'exercice musculaire.

Xavier Bigard : CRSSA - Médecin-chercheur du Service de Santé des Armées, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, président de la société Dauphiné-Savoie de médecine du sport, vice-président de la société française de médecine de l'exercice et du sport.
Il anime et coordonne des recherches sur la physiologie musculaire et de l'exercice, ainsi que sur la nutrition des sportifs placés en conditions extrêmes. Il est spécialisé dans l'étude fondamentale des mécanismes de réparation musculaire. Il a eu à travailler et réfléchir sur l'insertion des handicapés physiques dans le monde du sport, mais aussi sur la contribution de la science et des progrès technologiques à la pratique des activités sportives par les handicapés, en y incluant des questions éthiques incontournables.

Jacques Blanchard Médecin spécialiste de médecine physique et réadaptation dans un centre de rééducation de la région Grenobloise: Département MPR ROCHEPLANE. Médecin de l'équipe de France de ski alpin Handisport depuis de nombreuses années.
Du fait de son expérience de terrain, il portera témoignage d'une possible "vie sportive après l'accident" après l'annonce du Handicap aux patients hospitalisés.

 

La complémentarité des intervenants nous a permis d'avoir un échange riche et nous informant dans beaucoup de domaines. Voici quelques extraits des sujets traités.

Xavier Bigard nous a expliqué qu’il existe une plasticité neuronale qui permet au cerveau de s’adapter à un handicap en faisant évoluer les capacités sensorielles. Rééduquer un muscle demande de réactiver tout un programme moteur qui tient compte des muscles, de la coordination, de la commande neuronale... qui agiront sur l'ensemble de cette structure « plastique » adaptable. Ainsi, par apprentissage et répétition de gestes les patients peuvent retrouver une motricité. Ceci s'applique également dans le domaine proprioceptif sur les différents sens. Cette adaptation joue non pas sur le nombre de neurones, mais sur le nombre de connexions (synapses) entre ces mêmes neurones.L'apprentissage développe ces connexions. Les règles nutritionnelles valables pour les valides ne sont pas directement applicables aux handicapés. Les limitations physiologiques dépendent du handicap.

Véronique Bricout : Les handicapés mentaux sont plus naturellement sédentaires, et de plus une mauvaise balance hormonale limite leur capacité à faire des efforts dans la durée. En cas de trisomie, les éventuelles malformations peuvent être également limitantes (problèmes moteurs par exemple). Leur taux de testostérone est très bas, il faut donc y suppléer. Ce traitement induit une perte de matières grasses rendant leurs mouvements plus aisés. Cet équibre est difficile, et nécessite un travail d'équipe entre endocrinologues, diététiciens, entraineurs… A l’heure actuelle, les handicapés sont plus stimulés, donc sont moins sédentaires et leur espérance de vie est augmente. Les performances sportives atteintes actuellement sont bien supérieures à celles mesurées en 1975..

Jacques Blanchard nous explique que le handisport cible essentiellement les personnes ayant un handicap physique (pour les handicapés mentaux, le terme consacré est « sport adapté »). Il y a des compétitions handisport dans lesquelles concourent valides et non valides. Handisport, organise même des compétitions ouvertes aux valides, qui concourent par exemple en utilisant des fauteuils pour handicapés. La capacité des sportifs handicapés peut être augmentée par l'appareillage, par exemple une restitution d'énergie meilleure sur une prothèse de pied (cf athlète sud-africain Oscar Pistorius [i])). La recherche de performances peut entrainer des comportements délétères : par exemple remplacer un membre sain par une prothèse, se blesser pour augmenter ses capacités cardiaques (boosting) et donc ses performances…

Quant au seuil de la douleur, c'est comme pour les valides, il faut tenir compte de ce que la personne dit ressentir. Mais la vigilance s’impose car certains athlètes peuvent chercher à repousser ce seuil excessivement, au point d'atteindre la frontière mortifère ou même mortelle (coup de chaleur[ii] …).

Les intervenants nous ont sensibilisés à ces questionnements :

Quel sacrifice un être humain est capable d'accepter pour monter sur un podium ?

Problèmes éthiques : comment limiter les abus, quelles limites ?

Les échanges ont aussi porté sur d’autres thématiques :

Il y a des pathologies propres aux différents sports qui peuvent être différentes pour handicapés et valides. Est-ce que celles-ci sont plus graves pour les handicapés, la question reste ouverte. Il y a les pathologies de surcharge, de sur sollicitation, ou spécifiques comme l'anorexie (saut à ski, gymnastes…), le trou noir (athlètes pratiquant le trampolineet qui oublient subitement tous leurs enchainements)…. Par ailleurs un état de stress n'est pas systématiquement nuisible, par exemple un manque d'oxygène induit une augmentation de production d’EPO et donc de globules rouges. Mais ceci peut devenir un moyen de se droguer[iii]

Au niveau compétition, l'intégration n'est pas toujours bien vécue par les deux parties, que ce soit un non valide dans un départ de valides ou inversement. Par ailleurs, un malade mental peut ne pas comprendre les différents codes inhérents à la compétition (signal de départ, parcours, ligne d’arrivée…). Les intégrations peuvent se faire, mais restent anecdotiques.

Au niveau loisir, cela peut être aussi très difficile : pour les autistes, l'insertion dans un club de valides est quasi impossible, ils ont des réactions au stress extrêmement violentes, de plus ils sont tous différents, donc le groupe doit adapter son comportement à chacun d'entre eux. Dans le cas des trisomiques c'est un peu plus réalisable, tir au pistolet, ski de fond… se passent bien. Et pour les autres handicaps l'encadrement est souvent compliqué ; par exemple un mal entendant à vélo, comment le piloter? Au niveau loisir, les terrains ou équipements sont de plus en plus adaptés (par exemple dans certaines stations de ski un paraplégique peut se débrouiller seul). Il y a de nombreuses recherches (par exemple l'écho-localisation à vélo pour les mal voyants [iv] …). C'est une problématique de la société qui cherche à ce que tous soient intégrés, que chacun rentre dans la norme. Mais les handicapés ne désirent pas toujours être dans des clubs de valides, il faut tenir compte de leurs désirs.

La loi 2005 (obligation d’intégration des handicapés dans le milieu scolaire) est appliquée pour 40% des enfants handicapés seulement, et parmi eux, seuls 50% bénéficient d'une Auxiliaire de Vie Scolaire[v].

L’encadrement de Handisport fonctionne beaucoup sur le bénévolat et les handicapés ne sont pas des professionnels du sport, ils ont une vie professionnelle par ailleurs. Le fonctionnement est donc différent des clubs de sport de haut niveau pour valides.