comment résoudre la quadrature du cercle ?
L’énergie se place au fondement de nos sociétés modernes.
Sans énergie, pas d’agriculture intensive, pas de produits manufacturés, pas de mobilité, pas de loisirs.
La révolution industrielle et agricole des deux derniers siècles n’aurait pas vu le jour sans l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz.
Et pour cause : un litre de pétrole contient autant d’énergie (environ 10 kWh) qu’en consomme un individu par son métabolisme en travaillant dur dans un champ durant deux jours[1] !
Il n’est un secret pour personne que ces ressources d’énergie fossile vont en s’épuisant, alors même que la demande mondiale croît en permanence. La combustion de ces énergies impacte largement l’environnement, contribuant notamment au réchauffement climatique en cours.
Quelles solutions se dessinent alors pour nos sociétés ? Vers quel monde énergétique se dirige-t-on ? Création de « richesses » et décroissance énergétique peuvent-elles aller de pair ? Y a-t-il de la poudre de perlinpinpin derrière certaines solutions technologiques miracle (agrocarburants, hydrogène, air comprimé,…) que les médias relaient ? A quoi les citoyens sont-ils prêts pour gérer la transition majeure vers laquelle nous nous dirigeons ?
On le voit bien, le problème de l’énergie possède de multiples facettes que nous n’épuiserons pas avec seulement 2h de débat.
En revanche on peut commencer par mettre sur la table quelques éléments de réflexion.
Tel est le but de ce nouveau café des sciences du Néron, qui en appellera certainement d’autres sur ce sujet.
Intervenants
- Benoît Lemaignan, consultant de la société Carbone-4 (fondée par l’inventeur du Bilan Carbone® diffusé par l’ADEME[2] s’intéresse bien sûr au bilan carbone des différentes sources d’énergie, mais aussi plus généralement aux contraintes « carbone » en amont (dépendance aux combustibles fossiles par exemple) et en aval (émissions de gaz à effet de serre) des entreprises. Son expertise nous éclairera sur les avantages et inconvénients des différentes sources d’énergie, ainsi que sur les optimisations possibles.
- Florence Fusalba est ingénieure au CEA-LITEN et responsable du programme "stockage de l'énergie". En aval de la production, cet enjeu s’avère majeur dans la réflexion collective autour des choix énergétiques, notamment vis-à-vis des énergies renouvelables. Elle apportera un regard technologique de premier plan sur les possibles dans un proche avenir.
- Stéphane La Branche est enseignant-chercheur au laboratoire PACTE de Grenoble ; il occupe la chaire « énergie-planète-climat » de l'Institut d’ Etudes Politiques et est également membre du GIEC. Son regard de chercheur en sciences sociales nous révélera la complexité de la relation entre énergie, politiques et citoyens, avec en filigrane la difficulté de conduire rationnellement certains débats (exemples récents du nucléaire et des gaz de schiste, ou au niveau local ce qui touche à la consommation quotidienne ou au choix entre véhicules individuels et transports en commun).
http://www.manicore.com/documentation/environnement_prospective.html
http://www.decitre.fr/livres/Le-Changement-climatique-dans-tous-ses-etats.aspx/9782706114496
Le débat a été introduit par la question d'une participante : "Pourquoi il n'y a pas de voiture propre?"
Nos intervenants ont alors indiqué qu'un bilan écologique complet montre que le bus ou le tram ne sont pas forcément plus propres qu'une voiture si elle est remplie. Mais si elle n'est pas pleine, le problème est de changer d'habitudes.
La voiture c'est la liberté, le relationnel pour la remplir et même une pièce de la maison.
Un sondage sur Lyon a eu pour résultat: 80% pensent que le changement climatique est la crise du 21 ème, 80% que l'acte le plus efficace est cesser de prendre la voiture or 56% des gens qui la prennent ont un transport en commun à moins 600 m de chez eux.
Pour un changement de comportement il faut :
- une rupture : la voiture n'a pas fonctionné et on a constaté des avantages à prendre un transport en commun, cela peut impliquer un comportement pérenne.
- Ou bien des politiques coercitives. Pour le trafic interdire en ville les voitures euro 1, 2 et 3. Mais cela pénalise les plus bas revenus et c'est 75% du parc auto de Grenoble.
Faire un péage pour tous, ou bien fonction du nombre de passager, interdire le centre ville… ce qu'il faudrait c'est qu'au moins élus et services posent la question et travaillent sur les solutions possibles .
Cela peut être aussi une carte de carburant, une fois atteint le taff mensuel, on ne peut pas en acheter plus.
Ou bien la régulation se fera par l'augmentation du prix du pétrole et donc les gens changeront de comportement.
Quant au pétrole la conjonction densité massique et volumique et faible coût en font une énergie irremplaçable: 5 $ pour 160l et 95 million barils/jours, dont 1/2 servent pour les transports.
Augmentation du nombre de voitures en même proportion qu'en occident dans pays en voie de développement n'est pas supportable en termes de production et de réserves, il faut trouver une solution.
Déjà le pétrole c'est 25% du chauffage donc passer au gaz aiderait à moins puiser sur les réserves. Le charbon est aisément liquéfiable donc peut remplacer le pétrole.
La voiture électrique : coûte 30k€ pour une autonomie de 150km et 15k€ la batterie pour 8 ans ou 2000 cycles. Le bilan environnement sur son cycle de vie est en révision. Autonomie liée à infrastructure elle est à repenser car pour le moment c'est celle du moteur thermique. Mais alléger implique moins de sécurité.
Quant à l'hydrogène : pour stockage domestique, le rendement n'est pas très bon, il y a des problèmes de sécurité pour le mobile comme pour le GPL donc il est acceptable en fixe mais pas en mobile. Le stockage de l'énergie le moins cher et le plus sûr est l'hydro.
Pour le solaire : l'avion solaire, Solar Pulse, a mis 16 h pour Bruxelles Paris. C'est le Pb du rendement de conversion du Photovoltaïque: on cherche à passer de 15 à 30% sans augmentation des coûts, la limite physique est 80%, là il y a un problème de prix.
Solution par biocarburants, elle se ferait non plus avec le maïs (compétition avec l'alimentaire) mais les algues (la diatomée qui est au stade de démonstrateur).
Le moteur Stirling est un des moyens aussi.
Nucléaire et fusion? ITER est un grand débat scientifique. Au Québec tocamac a été démantelé car le problème de la résistance des matériaux dans cette ambiance n'a pas été résolu, ni celui du maintien du point de fusion. C'est l'énergie du soleil, donc considérable, mais loin d'être une réalité.
La cogénération au niveau d'une centrale, la température n'est pas suffisante, donc la chaleur n'est pas utilisable directement. Ce n'est donc pas rentable.
Le chauffage bois est compatible s'il ne provient pas de plus de 100km . les chaudières granulés sont efficaces, ce sont les cheminées ouvertes qui polluent en particules. Le pb à Grenoble est le manque de filières, il y a de trop petites entreprises pour une production de granulés rentable et la forêt est trop morcelée.
Pour le chauffage : Autonomie par quartier peut être une échelle correcte mais il faut repenser l'urbanisme. Au japon c'est effectif car ils pensent collectif. En France le comportement est individuel. Changer de techno c'est facile, changer de comportement moins. Casser une habitude est un effort important. Il y a aussi culpabilité si on ne réussit pas. Il faut se concentrer. Le plus efficace est une évolution collective du comportement. En France il y a un manque de compétence dans la construction d'habitats vraiment isolés.
Les réserves de gaz conventionnel diminuent moins vite que celles de pétrole, il y a 10 ans de plus. Si l'on augmente les prix des ressources on augmentera leur durée de vie car les gens consommeront moins.
Dans le futur la solution est donc la diversification maximum pour être indépendant énergétiquement en gardant le même confort de vie.
Il n'y a pas de solution au singulier, il faut expérimenter et donc accepter l'erreur, ce qui n'est pas acceptable pour des politiques car il y a le risque de diminution d'emplois. Ce sera multiple et adapté aux régions, les solutions ne seront pas les mêmes dans le midi et au nord. Les échéances sont courtes car chaque jour on détecte d'autres émetteurs de CO2 par exemple le méthane de la toundra.
- Energie-climat : nos achats sont responsables de 30% d'émission gaz à effet de serre. Problème de durabilité, le moulin à légume manuel marche encore 30 ans après, qu'en est-il des gadgets or 25% des émissions de CO2 en proviennent. L'important est de diminuer la consommation. Si l'on est végétarien on diminue de 30% notre contribution à CO2
- Budget recherche: il est fonction des décisions européennes par exemple il y a un moratoire sur le maïs transgénique, donc plus de financement recherche sur les OGM. Dans le domaine de l'énergie ce sont la gestion des moyens et la collaboration dans la recherche qui sont à améliorer, mais il y a de l'argent dans ces domaines. Ne pas oublier qu'il y a des solutions qui n'ont pas besoin de recherche et ne sont pas mises en œuvre.
Une diminution de moitié de la consommation par les voitures pourrait se faire, mais il y a problèmes de filière, d'économie et de politique.